Les inégalités sociales en sociologie : quelques invitations

avril 04, 2016
in Billets
Vous vous intéressez aux inégalités sociales et à ce qui a été écrit sur la question en sociologie? Voici une présentation de quelques sociologues contemporains que j’ai rencontrés au fil de mes séminaires récents et qui m’ont semblé pertinents puisqu'ils mettent en lumière les effets des inégalités à différentes étapes des parcours de vie. Bien sûr, cette liste n’a aucune prétention à être exhaustive, mais vous y trouverez des pistes de recherche intéressantes. Je la compléterai au fur et à mesure de mes découvertes.

Serge Paugam : pauvreté et solidarité
Directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), directeur d’études à l’EHESS (l’École des Hautes Études en Sciences Sociales) et responsable de l’Équipe de Recherche sur les Inégalités Sociales (ERIS) du Centre Maurice Halbwachs, Serge Paugam est un sociologue français ayant écrit plusieurs ouvrages sur la pauvreté, la précarité et la solidarité. Ses recherches s’inscrivent dans la sociologie des inégalités et des ruptures sociales et sont réalisées à travers une démarche comparative des formes élémentaires de la pauvreté dans les sociétés modernes, notamment en Europe.[1]
Quelques publications pertinentes :
– La disqualification sociale (1991)
– Les formes élémentaires de la pauvreté (2005)
– Le lien social (2008)
[1] http://www.serge-paugam.fr/

Marc-Henry Soulet : et la vulnérabilité sociale
Professeur de travail social à l’Université de Fribourg en Suisse et titulaire de la Chaire Sociologie, politiques sociales et travail social, le sociologue français Marc-Henry Soulet a contribué à la sociologie des inégalités grâce à ses publications sur l’exclusion et la vulnérabilité sociale. Ses réflexions portent majoritairement sur les actions et interventions possibles dans ce champ et le conduisent à repenser le rôle de l’État dans le domaine social.[1]
Quelques publications pertinentes :
– Agir en situation de vulnérabilité sociale (2003, en collaboration avec Vivianne Châtel)
– La vulnérabilité comme catégorie de l’action publique (2005)
[1] http://www.unifr.ch/travsoc/fr/personnel/marc-henry-soulet

Michèle Lamont : inégalités et frontières culturelles
La chercheure canadienne Michèle Lamont est professeure de sociologie et d’études africaines et africaines-américaines ainsi que professeure Robert I. Goldman d’études européennes à l’Université de Harvard. En plus d’occuper le poste de professeure, elle est aussi présidente élue de la renommée American Sociological Association. Michèle Lamont aborde, par l’entremise d’une sociologie culturelle et comparative, les notions de stigma et de discrimination. Ses nombreux ouvrages comprennent l’étude de frontières de groupe, de classes, de dynamiques ethnoraciales aux États-Unis et en France et des impacts du néolibéralisme sur les sociétés industrielles avancées. Le thème des inégalités occupe une place de choix au sein de ses recherches, que celles-ci portent sur les notions de culture, de race, d’ethnicité, d’immigration, de santé ou encore de pauvreté urbaine.[1]
Quelques publications pertinentes :
– Money, Morals and Manners. The Culture of the French and American Upper Middle Class (1992)
– Successful Societies: How Institutions and Culture Affect Health (2009)
– Responses to Stigmatization in Comparative Perspective (2012)
[1] http://sociology.fas.harvard.edu/people/mich%C3%A8le-lamont

Vincent de Gaulejac et l’approche clinique du « mal-être » social
Vincent de Gaulejac est un sociologue français, professeur de sociologie à l’UFR (Unité de formation et de recherche) de Sciences Sociales de l’Université Paris-Diderot. Il est l’un des principaux fondateurs de la sociologie clinique, cette approche scientifique qui s’intéresse à la dimension existentielle et affective des rapports sociaux et qui favorise l’intervention par les récits de vie. Les recherches de Vincent de Gaulejac portent notamment sur la névrose de classe, les sources de la honte, la lutte des places et le coût de l’excellence.[1]
Quelques publications pertinentes :
– La lutte des places (1994, en collaboration avec Isabel Taboada Leonetti)
– Le coût de l’excellence (1991, en collaboration avec Nicole Aubert)
– La névrose de classes (1987)
[1] http://www.vincentdegaulejac.com/

Eric Klinenberg : urbanité, culture et vulnérabilité
Professeur de sociologie et directeur de l’Institute for Public Knowledge à l’Université de New York, Eric Klinenberg s’intéresse aux thèmes de l’urbanité, de la culture et des médias. En 2002, il publie Heat Wave: A Social Autopsy of Disaster in Chicago, un ouvrage qui lui vaut de nombreux prix dont celui du Meilleur livre de sociologie/anthropologie par l’Association of American Publishers. En y examinant les données sur la mortalité propres à la vague de chaleur ayant eu lieu à Chicago en 1995, Klinenberg explore le contexte d’émergence de l’isolement et de l’absence de réseau en ville. Il détermine ensuite les conditions géographiques propices à augmenter ou réduire les risques de mortalité à la chaleur, ce qui l’amène notamment à aborder les thématiques de race et de vulnérabilité.[1]
Quelques publications pertinentes :
– Heat Wave: A Social Autopsy of Disaster in Chicago (2002)
– The Making and Unmaking of Whiteness (2001)
[1] http://sociology.as.nyu.edu/object/ericklinenberg.html

Bruno Cousin : une sociologie des classes supérieures
Bruno Cousin est maître de conférences en sociologie à l’Université de Lille 1, membre du CLERSÉ (Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques) et chercheur associé au Centre Maurice Halbwachs. Ses recherches s’inscrivent dans la sociologie et l’anthropologie des classes supérieures et moyennes supérieures. Il y explore notamment les phénomènes de stratification sociale, de ségrégation urbaine, d’entre-soi et de production des frontières symboliques. Conjointement, il écrit sur le processus de socialisation et la sociabilité dans la bourgeoisie et sur les modalités de légitimation des élites. De plus, il examine les dynamiques de migration internationale et de racisme et les grammaires des débats publics sur l’immigration.[1] Depuis plusieurs années, Bruno Cousin collabore avec Sébastien Chauvin sur un programme de recherche portant sur la sociologie culturelle des classes supérieures et l’économie symbolique du capital social.[2]
Quelques publications pertinentes :
– Vers une hyper-bourgeoisie globalisée ? (2016, en collaboration avec Sébastien Chauvin)
– La stratification sociale en Italie et les paradoxes de la modernisation conservatrice (2009)
[1] http://gspm.ehess.fr/document.php?id=668
[2] http://www.laviedesidees.fr/_Chauvin-Sebastien_.html

Annette Lareau : « enfances inégales »
Professeure de sociologie à l’Université de Pennsylvanie, Lareau priorise la recherche de terrain et s’intéresse au quotidien tant de la population africaine-américaine qu’européenne-américaine. Elle est principalement reconnue pour avoir écrit Unequal Chilhoods, un ouvrage paru en 2003 qui regroupe les résultats d’un long travail de terrain auprès de 88 enfants et de leurs parents, échantillon comprenant à la fois des enfants blancs et noirs de classes moyenne, ouvrière et de familles pauvres. Dans cet ouvrage, l’auteure montre l’impact de la classe sociale des parents sur le style de leurs pratiques parentales, et conséquemment sur le développement de leur enfant, plus particulièrement sur la performance et les interactions de ce dernier à l’école et à l’extérieur de l’école. Ce faisant, elle met en lumière l’influence de la position sociale des parents sur le succès scolaire et, ultimement, professionnel de l’enfant.[1]
Publication pertinente:
– Unequal Childhoods (2003)
[1] https://sociology.sas.upenn.edu/annette_lareau

Jane Lewis : les politiques sociales liées au genre et à la famille
Quelques publications pertinentes :– Work–Family Balance, Gender and Policy (2009)- Intergenerational relations between English students, graduates living at home, and their parents (2016)
[1] http://www.lse.ac.uk/researchAndExpertise/Experts/profile.aspx?KeyValue=j.lewis@lse.ac.uk

Elijah Anderson et les inégalités raciales
Elijah Anderson, professeur William K. Lanman, Jr. de sociologie à l’Université de Yale et ancien vice-président de l’American Sociological Association, est l’un des ethnographes urbains les plus notoires des États-Unis. Ses champs de recherche regroupent l’ethnographie, les inégalités urbaines, la déviance sociale, les rapports de race et la sociologie culturelle.[1] Parmi la panoplie d’ouvrages qu’il possède à son actif, Against the Wall : Poor, Young, Black and Male retrace le cycle de discrimination active, de chômage, de violence, de crime, de prison et de mort précoce dans lequel les jeunes hommes noirs états-uniens sont enfermés, et soutient que l’engendrement de stéréotypes plus larges liés à ce cycle limite le capital social de tous les jeunes hommes noirs.[2]
Quelques publications pertinentes :
– Against the Wall: Poor, Young, Black, and Male (2008)
– A Place on the Corner: A Study of Black Street Corner Men (2003)
[1] http://sociology.yale.edu/people/elijah-anderson
[2]http://sociology.yale.edu/publications/against-wall-poor-young-black-and-male

Robert D. Putnam : inégalités et capital social
Professeur de politique publique à l’Université de Harvard, Robert Putnam est aussi membre de la National Academy of Sciences (États-Unis), de la British Academy et ancien président de la American Political Science Association. Ce politologue est largement reconnu pour ses publications sur l’engagement civique et le capital social. Indépendamment de la notion de capital social chez Bourdieu, Putnam conçoit ce concept comme synonyme de lien social, relatif aux « caractéristiques de l’organisation sociale, telles que les réseaux, les normes et la confiance, qui facilitent la coordination et la coopération pour un bénéfice mutuel »[1]. Son plus récent ouvrage, Our Kids: The American Dream in Crisis, examine l’impact des inégalités croissantes au sein de la société américaine, particulièrement sur la jeune génération.[2]
Quelques publications pertinentes :
– Our Kids: The American Dream in Crisis (2015)
– Bowling Alone: The Collapse and Revival of American Community (2000)
[1] Ponthieux, Sophie (2006). « IV. Putnam : la croisade du capital social », Le capital social, Paris, La Découverte , «Repères», 128 p. URL: www.cairn.info/le-capital-social–9782707147493-page-43.htm.
[2] http://robertdputnam.com/

Thomas Piketty et les inégalités économiques
Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), cet économiste spécialiste des inégalités économiques est un auteur incontournable dans le champ qui nous intéresse. La perspective historique et statistique de ses travaux consacrés en majorité à la relation entre développement économique et répartition des richesses constituent un apport important à l’étude des inégalités sociales contemporaines. Piketty remet en question l’hypothèse voulant que les inégalités se réduisent avec le développement économique et met en évidence le rôle majeur des institutions politiques, sociales et fiscales dans la dynamique historique de la répartition des richesses. Le capital au XXIe siècle, son ouvrage paru en 2013 et rapidement devenu best-seller international, examine les enjeux mentionnés précédemment et suggère certaines mesures pour freiner la hausse des inégalités, par exemple l’instauration d’un impôt mondial sur le capital.[1]
Publication pertinente:
– Le Capital au XXIe siècle
[1] http://piketty.pse.ens.fr/fr/cv-fr
Article réalisé par : Gabrielle Tétreault
Pour citer cet article :
Gabrielle Tétreault, «Les inégalités sociales en sociologie : quelques invitations», Le blog de la Chaire de recherche sur les inégalités sociales et parcours de vie, avril 2016. URL : http://inegalitessociales.com/2016/04/04/les-inegalites-sociales-en-sociologie-quelques-invitations/

Gabrielle Tétreault
Étudiante à la maîtrise en sociologie à l’Université de Montréal, je travaille individuellement sur la question de l’homoparentalité, plus précisément sur la reconnaissance sociale de l’homoparentalité en région. Bien que je me préoccupe grandement des inégalités en matière d’identité sexuelle et de genre, mes intérêts rejoignent la multitude des inégalités sociales vécues à travers les âges. Un séjour d’études en Corée du Sud à l’automne 2014 m’a d’ailleurs permis de constater des dynamiques d’inégalités tout autres et, conséquemment, m’a amené à voir la situation québécoise d’un œil différent. Je trouve particulièrement fascinant que les attitudes présentes chez certaines générations, dans certains pays, puissent être révélatrices d’attitudes générationnelles ailleurs, de par leur similarité ou leur opposition. À ce titre, en jeune personne typique de ma génération, je porte un grand intérêt au potentiel infini de connaissances que nous offrent internet et les réseaux sociaux, notamment en matière de témoignages sur des réalités vécues étrangères à la mienne et de débats de société. Le site de la Chaire nous donnera l’occasion de mettre en lumière certaines de ces réalités. En espérant qu’il sera pour vous un endroit propice à la découverte et à la réflexion! Gabrielle
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